Procès Colonna : errances et incohérences autour d'un os

Publié le par Eric Roux

A quelques jours du verdict, une rétrospective de ce procès s'est imposée à moi.
J'ai personnellement suivi ce procès de dedans comme de dehors. Avec parti pris, soit. J'ai vu les médias chercher chaque jour ce qu'on ne trouvait pas dans la salle d'audience. Le formidable, le caché, le coup de théâtre, le retournement de situation, le témoin qui craque, le prévenu qui perd ses moyens... Rien. Rien dans le procès pour nourrir les besoins du sensationnel.

Après toutes ces années d'instruction, rien n'a changé. Tout au long du procès, Yvan Colonna a confirmé son innocence. Il n'a pas choisi le mutisme, contre les attentes de certains. Son dialogue a toujours été clair, même lorsqu'il se refusait à répondre à des questions qu'il considérait piégées.

Alors, que reste-t-il à juger ?

Les témoins : aucun des témoins occulaires de l'assassinat n'a reconnu Yvan Colonna. L'un des témoins qui a vu le visage du tireur à moins de deux mètres a été formel. Ce n'était pas Yvan.

La DNAT : la DNAT n'a, en 8 ans, récolté aucune preuve permettant de désigner Yvan Colonna comme ayant fait partie du commando, que ce soit dans l'affaire Erignac ou dans l'affaire de l'attaque de la gendarmerie de Pietrosella.
Qui plus est, certaines errances des policiers ont été mises à jour au cours des audiences. Tel ce policier qui après avoir soutenu mordicus qu'il n'avait absolument pas montré la déclaration d'un des membres du commando à son épouse avant de l'entendre, finit par avouer l'avoir fait. Ou Roger Marion qui, après avoir écrit dans son livre qu'il avait soutiré les aveux de Maranelli lui-même, déclare à la cour qu'il était "parti se chercher un sandwich et une bière" au moment des aveux. Sur quoi s'appuient-il les policiers de la DNAT, pour déclarer Yvan coupable ? Leur intime conviction ? L'intime conviction, si elle est l'affaire du juge, ne doit pas suffire aux policiers. Des preuves... Il n'y en a pas.

Les membres du commando : chacun des membres du commando qui avaient validé le nom d'Yvan Colonna juste après leur arrestation se sont retractés, et ont déclaré à  la cour avoir reçu une version pré-établie de la police contenant le nom de Yvan Colonna qu'ils auraient été obligés de valider. Certes, cela peut sembler louche. Mais c'est peut-être ce qui semble le moins louche. Parce que moi, ce qui me semble louche, c'est qu'ils se soient rétractés pour d'autres raisons. Alors louche pour louche...

Bien-sûr, la presse relaye qu'ils n'ont pas été "convaincants". C'est certainement vrai. Mais en ce qui me concerne, je ne m'attendais pas à être convaincu, pas par eux. Au bout de huit ans, ces hommes, condamnés, sont restés muets sur le déroulement des opérations. Ils ont validé une version, se sont rétractés puis se sont toujours tus sur les détails. Tous. Pourquoi voulez-vous qu'ils soient convaincants ?

Que penser d'Yvan Colonna, qui faché de les voir si peu loquaces, les invective pour leur demander d'être clairs ? Certains journaux ont voulu y voir une sorte de règlement de comptes comme il y en a chez Mérimée. Mais si vous étiez derrière la barre, jouant votre vie, la condamnation à perpétuité, et que vous étiez innocent, je pense que vous seriez préoccupé par ce que disent les hommes qui peuvent faire la lumière sur ce qui s'est vraiment passé. Quoi qu'il en soit, le fait est que chacun des membres du commando a maintenu que Yvan n'en faisait pas partie.

A ceci s'ajoute un médecin-légiste qui déclare que le tireur mesurait 10 cm de plus qu'Yvan, Un Bernard Bonnet qui doute de la culpabilité d'Yvan Colonna puis finalement doute de ses doutes, des dépositions sur la présence d'Yvan Colonna à divers endroits qui se contredisent et montrent que l'accusé ne s'y trouvait pas, un accusé qui regarde la famille Erignac droit dans les yeux pour leur dire qu'il regrette la mort du préfet et qu'il n'y est pour rien, qui regarde son ancien ami Pierre Alessandri droit dans les yeux pour lui demander de comptes, qui regardait aussi ses juges d'intructions droit dans les yeux pour leur dire son innocence (aux dires du juge Thiel lui-même)...

Alors pour moi, ça fait beaucoup ! Si la justice est une balance, elle penche aujourd'hui bigrement du coté de l'innocence d'Yvan Colonna.

Bien sûr, je ne suis pas la justice. Je veux bien être le roi des imbéciles dans cette affaire. Mais je ne comprends toujours pas ce qui motive les journaux dans ce procès. Il n'y trouveront rien de ce qu'ils sont venus y chercher.
Il n'y a à ce jour aucune preuve. Peut-être le président Coujard en a-t-il gardé une pour la fin ? Je ne le crois pas si taquin.  Je sais que cela ferait un bel os sur lequel se jeter. Mais en ce qui me concerne, je préfèrerais un beau dénouement. Simple.

Publié dans société

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I
Est ce que tu as la tablature qui va avec ?<br /> daniel
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E
Euh, cher Daniel, ne t'es tu pas trompé dans le choix de l'article sur lequel tu as posté ton commentaire ? Car pour Yvan, il n'y a pas de tablature, juste un chant a capella, un hymne nommé "dio vi salve regina" que j'ai un peu la flemme de chanter et d'enregistrer sur mon blog.